Appel à contributions du XIIe Congrès de l’AFEP pour le 16 janvier 2023


Le XIIe Congrès de l’Association Française d’Économie Politique qui se tiendra à Paris, du 4 au 7 juillet 2023 organisé par les laboratoires LADYSS, CESSMA et LIED, et par Université Paris Cité aura pour thème

Crises et inégalités : Comment habiter le monde de demain ?

L’appel à contributions

LAFEP est une association scientifique généraliste dont l’objectif est la promotion du pluralisme dans le champ de l’économie académique. Le congrès annuel de l’AFEP est un moment important pour l’association et pour la communauté des économistes. Il permet de faire vivre le pluralisme des théories, des méthodes et des objets. Au-delà, cette approche encourage le dialogue et
l’interdisciplinarité au sein de l’espace des sciences humaines et sociales. C’est pourquoi les propositions de communication autres qu’en économie (sociologie, gestion, anthropologie, géographie, aménagement, sciences politiques, histoire, philosophie, droit, etc.) sont souhaitées et encouragées

Alors que la décennie 2010 a connu les conséquences de la crise financière des subprimes survenue en 2007-2008, les années 2020 sont assurément celles de transformations structurelles, marquées par l’impact de crises polymorphes (pandémie, guerre, crise énergétique, dérèglements et chocs climatiques notamment).

Ces crises emboîtées viennent heurter des sociétés, leurs habitants et leurs institutions, ayant inégalement surmonté les épisodes précédents. Chaque nouvelle crise accélère les transformations et les dégradations antérieures, parfois au nom d’innovations susceptibles de surmonter les contradictions qui lui ont donné naissance. Il nous faut donc comprendre comment se combinent les différents phénomènes que l’on observe actuellement et qu’il est essentiel de bien qualifier. D’une actualité saisissante et en avance sur les prévisions, les dégradations socio-écologiques résonnent aujourd’hui avec des tensions
sociales omniprésentes, ce qui questionne l’habitabilité même de la planète. Ignorant les alertes lancées depuis plus de 50 ans et relayées par les scientifiques et militant·es, les responsables politiques et économiques semblent découvrir que cinq des points de bascule climatique sont sur le point d’être franchis, auxquels s’ajoute le franchissement quantifié de 6 des 9 limites planétaires définies par l’équipe Rockstrom – l’année 2022 ayant été marquée par la reconnaissance du franchissement de 2 nouvelles limites planétaires (cycle de l’eau douce et polluants chimiques) –, et sans que cela semble infléchir la course à la puissance économique. Pour les recherches en sciences sociales, parvenir à faire tenir les termes de l’articulation entre inégalités économiques, sociales et environnementales est un enjeu premier ; pourtant le faire comprendre dans l’opinion publique et auprès des responsables politiques et économiques se heurte à de redoutables difficultés. C’est ce que nous proposons de discuter lors du XIIe congrès de l’AFEP, en articulant 4 grands axes de questionnement :

  • Comment d’abord les inégalités sociales et environnementales s’imbriquent-elles, à l’aune des évolutions passées et actuelles?
  • Quel est ensuite, le rôle des relations – politiques, économiques, sociales – entre territoires au niveau national, européen ou encore international, dans les transitions socio-économiques à mettre en œuvre ?
  • Comment dans le même temps diminuer les inégalités socio-fiscales, du travail et de genre, bien ancrées dans nos sociétés depuis des années ?
  • Et enfin, comment l’action publique pourrait-elle et devrait-elle répondre à ces enjeux ?

Les combinaisons d’inégalités sociales et environnementales sont ainsi au cœur des crises socio-écologiques. Cela frappe d’autant plus que le monde a connu une période où des populations entières ,ont été confinées et où le temps des échanges croissants a été momentanément suspendu. Penser « le monde d’après » a été pendant quelques mois l’occasion de penser un monde meilleur, en songeant alors que, dans la crise, nous avions pu comprendre ce que nous étions en train de perdre. Les différences d’accès aux biens et patrimoines environnementaux (parcs, espaces naturels, terre, qualité de l’air et de l’eau, etc.) et les différences d’exposition aux pollutions et aux risques (industriels, sanitaires, professionnels) se sont fait ressentir avec force. Elles sont le plus souvent venues se cumuler avec des inégalités socio-économiques déjà prégnantes. La perspective d’un meilleur monde d’après a fait long feu. L’imbrication des questions environnementales et sociales ajoute beaucoup de complexité, et se traduit par des tensions entre les priorités politiques ou organisationnelles. Ainsi, si on désintensifie
l’économie du point de vue carbone (sans même aller jusqu’à évoquer la décroissance), comment fait-on pour assurer la redistribution et plus généralement pour continuer à financer les systèmes de protection sociale, les retraites, etc. ? Le rôle de la protection sociale dans la future transition écologique ne peut donc plus être éludé.

Les pensées positives de relocalisation, de conscience de la finitude, ou encore de lien au vivant qui nous entoure, ont certes produit des effets sur les personnes – tels les « bifurqueurs », qui ont pu attirer notre attention –, mais en réalité les signes de durcissements sont omniprésents. On peut citer notamment les tensions sur les ressources et l’énergie, le rapport au travail dégradé, la résurgence de l’inflation ayant elle-même des sources structurelles directement en lien avec notre dépendance aux fossiles, l’impact de ce contexte inflationniste sur la répartition des revenus, la déstabilisation des chaînes de valeur internationales et la captation par certains pays des métaux et minéraux stratégiques pour la transition énergétique. À l’extension du capitalisme de plateforme et des secteurs de la Tech répondent de nombreux secteurs d’activité à la peine, dévalorisés ou en proie à un sous-investissement chronique, en particulier dans les activités de soin, d’éducation, et plus largement dans les services qui répondent aux besoins essentiels des populations

À rebours d’une intuition largement partagée face au phénomène de numérisation, ces crises ont également réaffirmé la nécessité de questionner la matérialité dans laquelle sont formés nos modes de vie et de sociabilité. Le confinement, puis le surgissement de la guerre en Europe, la montée des populismes réactionnaires et le spectre du rationnement énergétique, donnent à voir la façon dont la production de nos conditions matérielles d’existence repose très concrètement sur des flux de
matière et d’énergie qui relient entre eux des territoires (urbains ou ruraux ; au Nord ou dans les Suds ; dotés en ressources et patrimoines naturels ou dotés en capital créé par l’humain, etc.). La manière dont s’organisent et se composent ces flux révèle également les vulnérabilités, les tensions, les rapports de pouvoir et les asymétries qui caractérisent la mise en relation de ces territoires et des populations qui y vivent et y travaillent. Les questions d’approvisionnement énergétique et alimentaire ou d’accès aux terres rares donnent des illustrations des enjeux de soutenabilité socio-écologique auxquels les trajectoires de développement de nos sociétés nous confrontent.

Ces crises apparaissent aussi comme révélatrices d’inégalités héritées, qu’elles contribuent à aggraver. La crise de 2008 avait mis en lumière les inégalités de revenus et de patrimoine qui la sous-tendaient. Au-delà de l’augmentation de la pauvreté, la fréquence des crises met en exergue l’accès aux soins comme source d’inégalités entre populations favorisées et précarisées, en particulier dans les pays où les systèmes de protection sociale sont parcellaires. Elle révèle également une autre « hiérarchie »
des métiers et activités de travail qui ne repose pas sur la hiérarchie, simpliste et chère à l’économie standard, liée à l’équivalence entre niveau de qualification et salaire réalisée par la productivité. Le primat donné aux « premiers de cordée » contre les « premières de corvée » est ainsi devenu une représentation, simple, mais puissante. Cette hiérarchie recoupe aussi une division sexuée du travail, puisque beaucoup de ces travailleurs « de première ligne » sont des travailleuses. Si les femmes ont été en moyenne moins infectées par la COVID-19 que les hommes dans le monde, elles ont été plus durement frappées par la baisse générale du niveau de l’emploi ; constat accentué pour les femmes noires aux États-Unis. Les femmes ont été plus licenciées, ont subi des pertes de revenu tout en absorbant une augmentation du travail domestique et une recrudescence des violences conjugales pendant le confinement. De manière générale, les politiques économiques mises en place – bien que permettant de soutenir la demande globale – n’ont pas atténué les effets de la crise en termes de précarité et de travail domestique pour les femmes

Dans ce contexte de crises polymorphes, élaborer, décider, formaliser, implémenter, évaluer, consulter, discuter, négocier, réinterpréter, proposer, se mobiliser, s’opposer et contester, sont des actions récurrentes au cœur des processus complexes d’action publique, quel que soit le contexte économique, politique, social et historique des États et de leur société. L’action publique est ainsi toujours le résultat de la co-construction de programmes d’action par une pluralité et une diversité
d’acteurs (publics, privés, issus de la société civile, experts, bailleurs, etc.) situés à différentes échelles d’intervention (locale, nationale et internationale), ayant des intérêts et des visions concurrentes du monde et participant à la régulation de secteurs de politiques publiques (politique fiscale, politique sociale, etc.). Toutefois, l’action publique met en tension deux pôles, l’État et la société civile – qui sont en interaction constante –, associant confiance et allégeance, résistance et capacités d’action, domination et responsabilité. D’un côté, la robustesse de la capacité de l’État (ses administrations) à réguler sa société et son territoire – en qualité de détenteur ou d’administrateur de l’autorité – est questionnée. D’un autre côté, l’action publique présuppose une autonomie de la société civile, constituée de citoyens et de citoyennes, dotée de capacités de mobilisation, d’action et de contestation. C’est en ce sens que la notion de politique publique, telle qu’elle est saisie par les économistes, devrait faire place aux formes de mobilisation collective qui font aussi œuvre politique. Les formes politiques que revêtent les tensions entre acteurs et modalités de la politique publique ou collective diffèrent en fonction des trajectoires historiques suivies. Elles vont ainsi être puissamment mises à l’épreuve des crises socio-écologiques présentes ou à venir.

Le XIIe congrès de l’AFEP sera ainsi l’occasion de s’interroger sur l’impact des crises sur la transformation des arrangements institutionnels et sur la montée des inégalités au sens large (économiques, sociales, environnementales, de genre). Ces évolutions permettront-elles de surmonter les contradictions issues de la période antérieure et de réduire les inégalités ? Ou les forces de rappel des intérêts dominants s’exerceront-elles, afin que le monde d’après ne s’éloigne pas trop du monde d’avant ?

Le congrès de l’AFEP sera l’occasion de réfléchir aux changements structurels que cet appel évoque. Les thèmes sont variés, comme les approches. Tout ce qui nous éclaire sur les changements de régime à l’œuvre et sur des mondes d’après qui se construisent aujourd’hui sous pression pourra être utile à notre communauté. Dans l’esprit d’ouverture qui caractérise l’approche pluraliste promue par l’AFEP, le congrès reste ouvert à toutes thématiques ou approches. Les propositions ne portant pas explicitement sur la thématique du congrès sont donc bienvenues et seront étudiées par le comité scientifique. Des propositions d’ateliers thématiques (ouverts ou fermés) seront également fortement appréciés.

Trois types de soumissions sont possibles :

  • proposition de communication scientifique : chaque auteur·trice soumet une proposition (avec un résumé étendu, c’est-à-dire d’environ 2 pages avec références bibliographiques) ;
  • proposition d’atelier thématique fermé : chaque coordinateur·trice d’atelier propose une thématique et une liste d’intervenant·e·s., assure la collecte des propositions de communication et anime l’atelier le cas échéant ;
  • proposition d’atelier thématique ouvert : chaque coordinateur·trice d’atelier propose une thématique qui, si elle est acceptée, peut donner lieu à un appel à contributions spécifique envoyé par le·a coordinateur·trice. Les communications regroupées dans l’atelier thématique seront choisies parmi les propositions de communication scientifique répondant à l’appel général et/ou à cet appel spécifique.

Date limite d’envoi des propositions de communications ou d’atelier thématique, via laplateforme https://afep2023.sciencesconf.org (environ 2 pages) : 16 janvier 2023.

Notification d’acceptation de la communication : 31 mars 2023.

La journée du 4 juillet est réservée aux doctoriales et fera l’objet d’un appel spécifique. Pour plus d’informations : doctorants@assoeconomiepolitique.org.

Le congrès conjuguera des sessions plénières et des ateliers thématiques en parallèle. Afin de favoriser les échanges avec les collègues non francophones, les communications en anglais sont bienvenues.

1 réaction sur “ Appel à contributions du XIIe Congrès de l’AFEP pour le 16 janvier 2023 ”

  1. Ping 12ème Congrès de l’Association Française d’Economie Politique (AFEP)

Les commentaires sont clos.