La récession de 2020 est inédite, par son ampleur et par sa nature. La crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19, après quelques errements, a suscité des décisions de protection des populations et de confinement. Par effet mécanique, elles ont amené la récession dans un monde où les conséquences de la précédente crise financière de 2007-2008 n’ont pas pu être encore contrebalancées par une reprise économique vigoureuse.
Alors que les fragilités économiques de la crise de 2007-2008 continuent de hanter la stabilité politique et sociale partout dans le monde et poussent de nombreux pouvoirs politiques vers des solutions conservatrices, la pandémie parcourt le monde en suivant les grandes lignes d’échanges commerciaux et humains. Elle soulève des questions économiques proches de celles qui existent depuis les années 1970. Ces réflexions portent sur les conditions de stabilité et de croissance d’un capitalisme en évolution sur la vague libérale puis néo libérale. Elles impliquent aussi une réflexion sur l’économie du champ social et sur les politiques sanitaires et sociales. De façon « inédite », le début de la pandémie a marqué le primat du sanitaire sur l’économique: les gouvernements ont accepté de bloquer la vie économique pour préserver la santé.
Grand événement social mondial, cette pandémie marque, au grand dam de certaines forces économiques, le choix politique de placer l’économie en arrière-plan des préoccupations de gouvernance partout dans le monde. Elle marque aussi la fin des seuils de la régulation économique européenne assise sur le retrait de l’État et les approches néo libérales. Dans les années 90 et 2000, l’État a été superviseur à travers des politiques économiques d’austérité (politiques monétaires conservatrices, limitation des déficits budgétaires et des dettes publiques, libéralisation des marchés financiers, etc.). Face à la récession, la Banque Centrale Européenne a ouvert les vannes du crédit aux gouvernements qui portent les soutiens et les mesures d’urgence, la Commission européenne soutient des plans de dépense publique d’une ampleur inégalée, sans que cela puisse présager une quelconque modification réelle de la perception que les décideurs publics et les milieux économiques ont du fonctionnement de l’économie et des besoins de la société. Les pratiques inaugurées en 2020 annoncent-elles une hausse provisoire de la part des dépenses publiques dans les PIB ou une reconfiguration de l’État social?
Les anciens concepts d’économie sociale de marché ou d’économie sociale au sens institutionnel du terme sont à réviser au regard des nouveaux enjeux et des nouvelles perspectives de reprise économique basées sur une économie évoluant vers la transition écologique et numérique.
Pour travailler à ces questionnements et révisions, nous ouvrons 4axes de communication principaux:
- 1) Nouvelles fragilités socioéconomiques et inégalités de genre
- 2) Économie sociale et développement des pays du Sud
- 3) Mondialisation économique, mondialisation sanitaire
- 4) Économie sociale, État social et transitions écologique et numérique
1) Nouvelles fragilités socioéconomiques et inégalités de genre
La plupart des travailleurs dans le monde vivent dans des pays frappés par des réductions massives d’activité. Au niveau mondial, la moitié de ces 3réductions d’activité se traduisent par des pertes d’emploi générant du chômage ou de l’inactivité, l’autre moitié se traduisant par des réductions d’heures de travail au sein d’un emploi (plus ou moins) maintenu. Ainsi les mécanismes connus de la protection sociale sous forme d’assurance chômage et sous forme de minimas sociaux sont mis en difficulté. La réforme française de l’assurance chômage a été retardée. Comment évaluer la capacité de résilience de la protection sociale ?
Les premières victimes de la récession sont non seulement des salariés mais aussi des petits travailleurs indépendants, commerçants… Des catégories sociales jusqu’à présent très autonomes sont frappées par la récession et manifestent de nouveaux besoins sociaux urgents liés à la crise. Une nouvelle pauvreté est-elle née, ou bien va-t-elle reculer avec une reprise économique?L’économie solidaire et sociale a été fortement sollicitée dans le déroulement de la récession: quelle place retrouve-t-elle au terme de la récession de 2020 ?
Les mécanismes des confinements, fermetures d’établissements scolaires, généralisation du télétravail ont multiplié les exigences pour les femmes salariées ou non, le plus souvent en position d’effectuer l’essentiel du travail domestique dans les ménages. Les inégalités de genre ont-elles augmenté de façon provisoire ou annoncent-elles une recrudescence plus durable? L’économie sociale se doit de revenir sur les questions d’inégalités de genre.
2) Économie sociale et développement des pays du Sud
Dans les pays du Sud, l’absence ou la grande faiblesse des systèmes d’assurance chômage créent des interrogations très fortes sur les mécanismes de l’exclusion sociale.Quelle économie sociale peut-elle fonder des processus de développement satisfaisant les besoins des populations ?
Dans les changements progressifs de la décennie 2010et la dégradation socioéconomique brutale de 2020 le monde associatif est placé en première ligne. Les besoins sociaux d’urgence sont avant tout couverts par un monde complexe d’organisations non gouvernementales et d’associations solidaires. Le tiers secteur voit arriver des populations nouvelles menacées d’exclusion sociale et recherchant un soutien matériel immédiat. Dans cette aide d’urgence murit une façon nouvelle d’envisager l’action sociale au Nord comme au Sud. En particulier, les organisations représentant les salariés cherchent de nouvelles solidarités car les problèmes se posent de façon inédite. La crise est sanitaire, internationale. Les syndicats ne peuvent guère rester dans le périmètre restreint du travail salarié stable, même si des questions essentielles s’y posent comme celle du télétravail, l’impact des transformations numériques. Quelles sont les nouvelles solidarités sociales qui sont à l’œuvre ? Quelle est leur dimension internationale ?
Dans les pays du Sud, évoquer la question de l’inclusion sociale et des actions à ce sujet est une bonne façon de poser la question de l’action sociale, trop souvent réduite dans des formules qui peuvent limiter le travail social à une 4action de réparation limitée. Travailler à l’inclusion sociale permet de lier ce travail à l’action en faveur du développement au plus près du terrain, des préoccupations des acteurs du développement territorial et des acteurs de l’action sociale.La question des limites budgétaires aux politiques sociales se pose ici avec acuité et oblige à justifier les augmentations de dépenses par des considérations convaincantes de justification des dépenses. La notion d’investissement social fournit elle un mot clé pour l’action sociale dans ce contexte économique contraint ?
3 ) Mondialisation économique, mondialisation sanitaire
En 2021, la mondialisation de l’économie est percutée par les questions liées à la santé de la population mondiale. Les économies riches ont réagi rapidement aux enjeux sanitaires nationaux, mais les questions sanitaires prennent une autre ampleur.L’économie de la santé se mondialise-t-elle ?
Un rôle accru de l’État social est souvent espéré pour contrecarrer les effets de la récession mondiale. Les priorités de santé publique sont renforcées par la pandémie à l’échelle mondiale. Peuvent-elles appeler une nouvelle façon de penser les politiques de santé à un niveau supranational ?
La pandémie fait aussi ressentir un besoin pressant de penser des solutions démocratiques sur des échelles territoriales allant de la vie locale à l’organisation mondiale selon les problématiques à résoudre. La gouvernance des affaires économiques et sociales est alors remise en question.
Les pratiques de responsabilité sociale des entreprises à l’égard de leurs parties prenantes et à l’égard d’objectifs de reprise de l’activité économique compatibles avec les exigences environnementales sont également questionnées. La notion de bien commun fait l’objet d’interrogations très fortes, comme la problématique de la participation des entreprises à la construction de ce bien commun. Les modalités alternatives d’organisation d’entreprises coopératives, solidaires et sociales sont à réinterroger dans la pandémie: quel nouvel accord social peut-il être issu des demandes de soutien aux entreprises mises en difficulté et de demandes aux employeurs pour maintenir leurs emplois et trouver des modes d’organisation du travail à distance humainement tenables ? Quels sont les nouveaux compromis sociaux qui se mettent en place?
4) Économie sociale, État social et transitions écologiques et numériques
L’après crise de 2020-2021sera-t-il la répétition de l’après crise de 2007-2008? Au soutien public aux entreprises et aux marchés financiers succèderait alors rapidement une reprise des activités spéculatives à fort rendement. Peut-on imaginer une reprise économique génératrice d’emplois5et de revenus soutenable sans un modèle de financement alternatif, générateur de bien-être pour les populations dans le monde ?
La mobilisation des citoyens qui agissent au niveau local pour innover et mettre en œuvre le changement social peut amener un autre processus, basé sur des projets citoyens. L’aspiration à une économie circulaire, solidaire et sociale le traduit. L’exemple du développement des monnaies locales l’illustre.
Dans un monde en transitions numérique, écologique et énergétique, la pandémie amène à repenser les modes de développement basés sur l’exploitation non soutenable des ressources environnementales. Celle-ci a multiplié l’émergence de nouveaux risques mondiaux comme les contacts pathogènes entre animaux sauvages et humains. Beaucoup d’initiatives visent à établir de nouveaux modèles de développement reconfigurant les relations entre l’humain et l’environnement (écoféminisme, circuits courts, etc.), des modèles alternatifs de financement des projets de transition sociétale à moyen et à long termes. Quelle analyse peut-on faire de ces modèles ?
Les nouveaux modes de régulation macroéconomique et financière en germe qui s’imposeront dans les pays développés comme les pays émergents sont encore très incertains. Quelles missions pour les organisations internationales, les Banques centrales au-delà du soutien immédiat à l’activité économique et au système financier, quelles nouvelles articulations entre les politiques monétaires et budgétaires, quel avenir pour des constructions comme la Zone euro, l’Union européenne ou la Zone Franc? Va-t-on vers une redéfinition des rapports de force internationaux, au niveau des pays comme des institutions, créancières donc en mesure d’imposer leur logique ? Ce sont autant de questions qui se posent à nouveau à l’occasion de la crise sanitaire actuelle
.La réflexion sur des modes de développement, basés sur une nouvelle économie sociale, rompant radicalement avec les lignes de force libérales des années 1990 et 2000 est-elle à l’ordre du jour ?
Au-delà du thème de ces journées, des propositions non spécifiques au thème central, relevant des champs habituels de l’économie sociale, sont également attendues (santé, logement, emploi, services publics, éducation etc.).
Le colloque est ouvert aux différentes disciplines (économie, sociologie, science politique, droit, histoire, sciences de gestion, sciences du vivant, etc.) et leur croisement.
Modalités de réponse à l’appel à communication
Les projets de communications doivent être présentés selon le plan type suivant (2 à 3 pages maximum) : Première page : titre de la communication, nom(s) d’auteur(s) ; adresse(s) postale(s) et électronique(s) du ou des auteurs [en cas de co-auteurs, souligner le nom du correspondant], organisme d’appartenance du ou des auteurs.
La proposition de communication comprendra les points suivants :
- exposé bref de la problématique et de son enjeu ;
- pour les communications entrant dans le thème principal du colloque, numéro du thème et articulation avec la problématique proposée ;
- originalité de la communication en la situant dans la littérature existante ;
- nature de la communication : théorique, empirique ;
- démarche méthodologique : sources et outils ;
- bibliographie sélective (5 à 10 références).
Calendrier
Ces projets seront exclusivement soumis par voie électronique avant le Jeudi 2 décembre 2021sur le site du colloque : http://aes2022.sciencesconf.org. Ce site rassemblera les informations relatives aux 41èmes journées de l’AÉS.
- Jeudi 2 décembre 2021 : date limite de réception des projets de communication
- Mercredi 22 décembre 2021 : réponse du comité scientifique aux auteurs
- Jeudi 24 mars 2022 : date limite de réception des textes définitifs pour une éventuelle publication aux Presses Universitaires de Louvain, partenaire des 41e journées de l’AES.
Contact : http://aes2022.sciencesconf.org