Appel à contributions pour un dossier de la RECMA sur « l’ESS en Afrique subsaharienne »

L’Afrique subsaharienne sera prochainement à l’honneur dans la Recma, revue internationale de l’économie sociale fondée en 1921 par Charles Gide. Au cours des dernières années, la Recma n’a fait écho aux dynamiques de l’économie sociale et solidaire (ESS) au sud du Sahara qu’à de rares occasions : brèves, temps forts ou notes de lecture et quelques articles sur les organisations professionnelles agricoles, le droit coopératif Ohada , les mutuelles de santé ou la formation à l’ESS. Il est temps, pour la revue presque centenaire, d’ouvrir plus largement ses pages aux expériences africaines.

En effet, parfois discréditée auprès des populations en raison de son instrumentalisation par de nombreux États après les indépendances [5], l’ESS puise dans des valeurs souvent réaffirmées en Afrique : partage, confiance, économie symbolique. Beaucoup de ces valeurs sont entretenues par des formes variées d’organisations informelles dans la vie sociale ou l’économie (tontines, kilé en Guinée, fada au Niger, fonkonolona à Madagascar, etc.). Nombre de structures de l’économie sociale contribuent à pallier la défaillance des États en matière de protection sociale. Si les organisations syndicales sont actives sur ce terrain (telle la Centrale nationale des  travailleurs du Sénégal), l’économie sociale est aussi insérée dans des réseaux confessionnels dans plusieurs régions d’Afrique .
Relancée dans le contexte des programmes d’ajustement structurel, l’ESS a parfois été qualifiée de « deuxième économie du sous-continent africain ». Elle semble cependant sujette à relégation dans la plupart des visions de développement centrées sur l’émergence économique que les élites africaines et les institutions internationales adoptent depuis quelques années.

Interrogées comme « phénomène bureaucratique » par certains [8], les organisations de l’ESS, soumises – en Afrique sans doute plus qu’ailleurs – à une « modernisation insécurisée », jouent-elles un rôle d’appui aux formes, parfois discrètes, de « mobilisation à bas bruit » observées dans la sous-région ?

À terme, la dimension collective est-elle condamnée à disparaître derrière la figure de l’entrepreneur social qui émerge des nouvelles réponses aux enjeux sociétaux et aux défis environnementaux qui se posent au sous-continent ? Cette interrogation découle du risque de confusion observé à l’occasion du forum « Pact for Impact », qui entend faire de l’innovation sociale une priorité mondiale. Elle fait également écho à l’actualité qu’en donnent certains gouvernements dans une politique sociale sous surveillance, voire dans leur diplomatie régionale, comme l’illustre l’annonce par la Secrétaire d’État en charge de l’ESS de la tenue au Maroc, en 2020, du premier Forum africain de l’économie sociale et solidaire, alors que l’ESS est au cœur d’accords de coopération « Sud-Sud » entre le Maroc et différents pays africains.

Ces questionnements justifient, après l’Amérique latine, l’Asie de l’Est et le Maghreb, la volonté de la Recma de réunir dans un dossier six articles illustrant le dynamisme, la diversité et les enjeux des expériences coopératives, associatives ou mutualistes dans différentes régions de l’Afrique subsaharienne. Une attention particulière sera apportée à l’analyse critique des expériences en cours, aux débats qui accompagnent l’ESS, mais également aux approches comparatives et à la mise en perspective des cas étudiés.

Le dossier s’efforcera d’équilibrer les différentes approches disciplinaires du phénomène (économie, droit, sociologie, anthropologie, histoire, géographie, sciences politiques) et privilégiera les travaux originaux et proches des pratiques de l’ESS sur le terrain. Propositions et articles peuvent être rédigés en français ou en anglais. Tous les articles en anglais seront ensuite traduits pour une publication en français prévue en juillet 2021.

La coordination du dossier sera assurée par Patricia Toucas-Truyen et François Doligez. Les chercheurs sont invités à adresser leur projet d’article aux coordinateurs (patricia.toucas@gmail.com et f.doligez@iram-fr.org) avant le 1 er juin 2020. Ces propositions (3 000 signes espaces inclus max.) devront être accompagnées d’une brève présentation de l’auteur. Pour les propositions acceptées, les articles complets (40 000 signes max., notes, résumé et bibliographie inclus) devront être remis avant le 31 octobre 2020 (voir spécifications sur : http://recma.org/note-aux-auteurs). Ils seront alors évalués par deux référés anonymes sélectionnés par la revue.

François Doligez et Patricia Toucas-Truyen

Le texte, avec les notes ici